Vieux arbres, bois mort et biodiversité

Les vieux arbres et le bois mort représentent une composante très importante de l’écosystème forestier car ils sont impliqués dans le cycle de vie de nombreux organismes. Il peut s’agir d’habitat pour les oiseaux nichant dans les cavités des vieux troncs ou pour les larves d’insectes se développant dans le terreau de ces mêmes cavités, comme par exemple l'osmoderme (Osmoderma eremita), un coléoptère saproxylique. Ils représentent aussi deséléments nutritifs pour les champignons corticoles, sous la forme ou un garde-manger rempli d’insectes pour les oiseaux.

Cette diversité de fonctions et d’organismes liés aux vieux arbres et au bois mort trouve une de ses explications dans la grande variété de formes qui les caractérisent. Ce chapitre vous propose un petit tour d’horizon.

  • Le vieil arbre renferme une kyrielle de dendromicrohabitats et peut servir de source de nourriture.
  • Le bois mort peut se présenter sous toutes sortes de formes : la ressource «bois mort» englobe non seulement les troncs couchés, mais également les vieilles souches ou les tas de branches. 
  • Les vieux arbres et le bois mort n’ont pas tous la même valeur écologique. Cette dernière dépend en partie de l’essence considérée et du diamètre de l’arbre.

Pour assurer le maintien de la biodiversité liée aux vieux arbres et au bois mort, il est nécessaire que cette ressource soit présente en quantités suffisantes pour une longue durée. La situation actuelle dans les forêts de Suisse et d’Europe montre souvent un déficit en bois mort

Les organismes saproxyliques

Les organismes dépendant des vieux arbres et du bois mort font très majoritairement partie de 6 différents groupes d’organismes : les oiseaux, les insectes, les mammifères, les champignons, les bryophytes et les lichens.

Organisme saproxylique

Espèce qui dépend du bois mort ou des vieux arbres, pendant au moins une partie de son cycle de vie.

Oiseaux

Les cavités des vieux arbres offrent des ressources alimentaires ainsi que des lieux de repos et de reproduction pour un grand nombre d’espèces d’oiseaux. Les oiseaux cavicoles (vivant dans les cavités) sont divisés en deux catégories d’espèces : d’une part, celles qui creusent elles-mêmes leur loge, comme les pics, et que l’on appelle cavicoles primaires. D’autre part, celles qui s’installent dans les cavités déjà existantes, ce sont les cavicoles secondaires. Ces derniers comptent beaucoup d’espèces : chouettes, sittelles, mésanges, gobe-mouches, rouges queue…  La présence et la taille des populations d’oiseaux sont dépendantes de la densité des cavités présentes dans une forêt.

Insectes

Les insectes utilisent surtout le bois comme ressource alimentaire à leur stade larvaire. Mais seul un petit nombre d’espèces sont capables d’attaquer le bois frais et de s’en nourrir. La majorité des insectes le mangent sous forme partiellement décomposée par des bactéries ou des champignons. Les coléoptères atteignent 95% de la biomasse des invertébrés saproxyliques. Ils sont particulièrement liés aux vieux arbres et au bois mort car leurs larves s’y développent. Le régime alimentaire des larves de coléoptères prend différentes formes:

Tableau 1 - Les principaux régimes alimentaires des coléoptères saproxyliques (source : Brustel et Dodelin, 2005)

Stade Régime Ressource
Larves Xylophage Bois frais
Larves Saproxylophage Bois carié
Larves et adultes Mycétophage Champignons lignicoles dont symbiontes
Larves et adultes Zoophage Faune saproxylique
Larves et adultes Détritiphage Déchets (animaux) divers
Larves et adultes Opophage Sève (écoulements)
Adultes Anthophage Fleur (nectar et pollen)
Adultes Aphage Aucune (les aphages ne se nourissent pas)

Le bois mort joue également le rôle d’habitat. C’est le cas pour plusieurs espèces de fourmis et d’abeilles sauvages qui creusent leurs galeries dans le bois.

Tableau 2 - Les principaux types d’habitat des coléoptères saproxyliques (source : Brustel et Dodelin, 2005)

Stade Guilde Habitat
Larves et adultes Corticoles Ecorce
Larves et adultes Lignicoles ou Xylophiles Bois intègre
Larves et adultes Saproxylophiles Bois carié
Larves et adultes Microcavernicoles ou cavicoles Cavités du bois
Larves et adultes Fongicoles ou Mycétophiles Carpophores
Larves et adultes Parasites Hôtes
Larves et adultes Succicoles Suintements de sève
Adultes (Floricoles) (Fleurs)

Mammifères

Parmi les mammifères, le groupe le plus important lié aux vieux arbres et au bois mort, est celui des chauves-souris dont certaines espèces sont particulièrement dépendantes de la forêt, y compris comme zone refuge (Noctule commune (Nyctalus noctula), Noctule de Leisler (Nyctalus leisleri), Murin de Bechstein, (Myotis bechsteinii)). Ce sont des cavicoles secondaires. D’autres espèces moins spécialisées, telles que le campagnol roussâtre (Clethrionomys glareolus) ou le mulot à collier (Apodemus flavicollis) occupent préférentiellement les surfaces garnies de branchages, de troncs et de souches. Le bois mort est également profitable à la martre (Martes martes), à l’écureuil (Sciurus vulgaris) ou au loir (Glis glis), cavicoles secondaires qui apprécient également les troncs au sol comme refuge et terrain de chasse.

Bactéries et champignons

Les organismes xylophages ne sont pas nombreux : seuls certains insectes, des bactéries et des champignons, principalement des polypores (dont fait partie l’Amadouvier), sont capables de digérer le bois. D’où le rôle très important joué par ces derniers qui le font grâce à la sécrétion de nombreuses enzymes. On appelle «pourriture» l’attaque du bois par les champignons et on en distingue deux types principaux : les pourritures brunes concernent les champignons qui sont capables d’attaquer la cellulose mais non la lignine alors que les pourritures blanches correspondent à ceux qui sont aptes à dégrader les deux. Les champignons corticoles constituent également un habitat pour différentes autres espèces saproxyliques.

Bryophytes

Les bryophytes (dont font partie les mousses) sont de bons colonisateurs des vieux arbres et du bois mort. Ils sont capables de pousser sur l’écorce et s’intègrent dans la succession des plantes présentes durant la décomposition de l’arbre. On dénombre généralement quelques dizaines d’espèces de bryophytes liées aux vieux arbres et au bois mort.

Les mousses ont également des fonctions d’habitat et de garde-manger pour d’autres espèces saproxyliques.

Lichens

Les lichens, symbioses d’une algue et d’un champignon, sont des organismes pionniers qui possèdent une grande capacité de résistance à la sécheresse. Ils sont capables de coloniser des substrats pauvres en nutriments tel que le bois mort, car c’est l’algue symbiotique qui fournit les nutriments nécessaires en les tirant majoritairement de l’air par photosynthèse. Ils ne décomposent donc pas le bois contrairement aux champignons. Certaines espèces de lichens peuvent même sécréter des acides qui freinent ou empêchent la croissance d’autres organismes concurrents tels que les champignons.

Deux groupes de lichens dominent sur le bois mort : les crustoses et les macrolichens. Les crustoses poussent sous forme de croûtes autant sur les arbres morts debout que couchés. De petite taille et discrets, il faut se munir d’une loupe pour les observer : ex. Calicium glaucellum, Chaenotheca brachypoda, Chaenotheca trichialis.

Sur le bois mort au sol et sur les souches, les crustoses se partagent le substrat avec les macrolichens : ex. Cladonia digitata, Cladonia macilenta, Cladonia squamosa. Les macrolichens, de plus grande taille et plus voyants que les crustoses, semblent dominer. Mais les crustoses sont toujours présentes si l’on se donne la peine de les chercher.

Les lichens ont également des fonctions d’habitat et de garde-manger pour d’autres espèces saproxyliques. pour en savoir plus sur le lichen pulmonaire

Epiphyte, épixylique, épigéique

On parle d'épiphytes pour une mousse ou un lichen qui pousse sur un arbre vivant. Les éspeces se développant sur des arbres morts (debout ou couchés) sont dites "épixyliques" et celles qui poussent sur le sol "épigéiques".

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