Aspects du droit: qui est responsable en cas de chute de bois mort?

Situation initiale

Il existe clairement une tendance actuelle en faveur de l’augmentation du bois mort et des vieux arbres dans les forêts de rendement, que ce soit pour des raisons financières (ex. baisse des subventions pour des mesures sanitaires) ou pour des considérations écologiques. Cependant, de nouvelles préoccupations voient le jour chez de nombreux propriétaires forestiers et sylviculteurs, dans la mesure où le bois mort et les vieux arbres présentent des dangers potentiels, en dépit de tous leurs avantages. Il s’agit principalement des risques que courent dans la forêt les promeneurs amateurs de détente ou d’autres personnes, la chute de branches mortes ou l’effondrement d’arbres âgés pouvant les blesser.

Conformément à l’Article 1, al. 1 de la Loi fédérale sur les forêts (LFo, RS 921.0) de la Confédération, le but est de protéger la forêt en Suisse en tant que milieu de vie naturel (lettre b), ainsi que de promouvoir l’économie forestière durable (lettre c). Autrement dit, la forêt est une composante de la nature. C’est pourquoi la forêt a une fonction fondamentale pour les personnes en quête de détente, celles-ci ayant le droit d’y pénétrer librement tant suivant le Code civil suisse (CC 210; article 699) que suivant la Loi fédérale sur les forêts (art. 14).

Dans quelles conditions le propriétaire d'une forêt peut-il devoir assumer une responsabilité?

En principe, le propriétaire n’est pas tenu d’exploiter sa forêt. Il n’est non plus responsable des personnes cherchant à s’y détendre, ou d’autres individus qui pénètrent dans la forêt à leurs propres risques et périls. Normalement, les victimes sont elles-mêmes responsables des dommages encourus en ces lieux (voir exceptions ci-dessous). Ceci est particulièrement valable si lesdites victimes enfreignent les règles d’attention élémentaires, par exemple en cas de promenade dans en forêt lors d’une tempête ou d’irrespect des panneaux d’avertissement (faute propre des victimes).

Les constellations particulières de la responsabilité du propriétaire d’ouvrage, d’un propriétaire foncier ou de la responsabilité pour faute sont une exception à la règle. Se reporter également à ce qui suit :

Une responsabilité n’est cependant imaginable dans les faits que dans le cadre de la responsabilité du propriétaire d'ouvrage, en vertu de l'article 58 du Code des obligations (CO, RS 220). Un ouvrage est juridiquement défini en tant qu’objet artificiellement implanté et lié à la terre. Cela signifie que routes et chemins constituent des objets artificiellement implantés et liés à la terre, au sens de l'article 58 CO (représentant donc des ouvrages). Le propriétaire d’ouvrage est tenu de prendre les mesures nécessaires, dans la limite du raisonnable, pour garantir la sécurité d’utilisation de son ouvrage. Cela ne concerne pas seulement les routes ou les chemins en tant que tels, mais par exemple aussi la protection contre la chute de branches mortes. Le facteur décisif dans l’évaluation du caractère raisonnable des mesures de sécurité est avant tout la probabilité d’un préjudice. Autrement dit, dans les forêts récréatives bien fréquentées, les mesures de sécurité imposées sont tendanciellement plus strictes. Un autre facteur important est la relation financière de la propriété forestière. À cet égard, la responsabilité est moins grande du fait de la gratuité d'accès à la forêt.

Recommandations à l’intention des propriétaires forestiers

Dans tous les cas, il est recommandé d’abattre périodiquement les arbres morts et d’éliminer les branches qui menacent de tomber le long des routes et chemins très fréquentés et dans les aires récréatives (places de pique-nique, foyers, etc.). Comme mentionné ci-dessus, ces dispositions de sécurité ne doivent pas dépasser les limites du raisonnable. Il est recommandé de documenter ces interventions. Des panneaux didactiques peuvent attirer l’attention sur les risques potentiels, accroître l'attention dont doivent faire preuve des victimes éventuelles et donc minorer la responsabilité des propriétaires forestiers. Ces panneaux peuvent du même coup informer le public de l’importance du bois mort.

Recommandations à l’intention des employeurs

Conformément à l'article 328 CO, l’employeur est tenu de garantir la sécurité de ses employés (al. 1). Il se doit de prendre les mesures nécessaires pour ce faire. Suivant l'article 82, al. 1, de la Loi fédérale sur l'assurance accident (832.20), l'employeur est tenu: «pour prévenir les accidents et les maladies professionnels, de prendre toutes les mesures dont l’expérience a démontré la nécessité, que l’état de la technique permet d’appliquer et qui sont adaptées aux conditions données». Dans ce contexte, il vaut mieux regrouper les vieux arbres et le bois mort sous forme d'îlots et ne plus du tout exploiter ces zones, plutôt que de laisser partout des arbres morts épars.

Christian Kilchhofer, lic. iur., Office fédéral de l'environnement OFEV